mercredi 18 août 2010

L'été, Scène 5

LA MÈRE : ( qui tient son fils par les épaules devant elle ) Il est confus, vous savez. Il regrette beaucoup.

ANDRÉ : Pas du tout.

LA MAIRESSE : Ne vous inquiétez pas. Mais pour que nous ayons un dialogue franc et libre, je préfèrerais lui parler seule à seul.

LA MÈRE : Bon, je vous laisse alors. (Elle sort.)

ANDRÉ : Vous êtes vieille.

LA MAIRESSE : Tu sais parler aux femmes, toi.

ANDRÉ : Vous ne me faites pas peur.

LA MAIRESSE : André.

ANDRÉ : Je ne suis pas une fourmi.

LA MAIRESSE : ( réprime un sourire ) A la bonne heure.

ANDRÉ : Les fourmis avancent sans réfléchir en écoutant les autres, moi je ne suis pas comme ça.

LA MAIRESSE : Je ne suis pas experte en fourmis.

ANDRÉ : Quand est-ce que vous allez vous décider à me crier dessus ?

LA MAIRESSE : André, sais-tu ce qu'est un haïku ?

ANDRÉ : Évidemment que je sais, je ne suis pas un bébé.

LA MAIRESSE : C'est un joli haïku que tu as composé, avec les lettres des mots de la devise républicaine. Il fallait y penser.

ANDRÉ : Vous vous moquez de moi.

LA MAIRESSE : Non. " L'été / a été terrible / Finir tag ". On peut entendre tag comme le mot allemand qui signifie jour. Finir le jour.

ANDRÉ : C'est fait exprès. J'apprends l'allemand à l'école.

LA MAIRESSE : Tu trouves notre devise dépassée ?

ANDRÉ : Elle est fausse.

LA MAIRESSE : Fausse ? Comment une devise peut-elle être fausse ?

ANDRÉ : Vous m'avez très bien compris. Elle n'est pas appliquée. Elle n'a pas de réalité.

LA MAIRESSE : N'es-tu pas en train de dire que la devise est bonne ?

ANDRÉ : Bien sûr qu'elle est bonne.

LA MAIRESSE : Alors pourquoi la retirer ? Ne vaudrait-il pas mieux travailler à la faire respecter ?

ANDRÉ : Parce que vous croyez pouvoir y changer quelque chose ?

LA MAIRESSE : Seule, non. Mais avec ton aide, va savoir.

ANDRÉ : Vous ne voyez pas tout ce qu'il faudrait changer.

LA MAIRESSE : Par quoi faudrait-il commencer ?

ANDRÉ : Il faudrait commencer par ... non.

LA MAIRESSE : Quoi non ?

ANDRÉ : Vous savez des choses sur mon père. Dites-les moi et je vous aiderai.

LA MAIRESSE : C'est du chantage.

ANDRÉ : Non. C'est un échange.

LA MAIRESSE : Qu'est-ce qui te fait croire que je sais quelque chose sur ton père ?

ANDRÉ : Un jour vous en avez parlé à des gens et on me l'a répété.

LA MAIRESSE : ( Elle se tourne vers le public, faussement fâchée : ) Si je tiens celui ou celle qui a parlé ... Je l'étripe.
( à André : ) J'ai peut-être parlé un peu légèrement une fois.

ANDRÉ : Il est vivant ?

LA MAIRESSE : Je n'ai pas le droit de te dire grand chose.

ANDRÉ : Est-ce qu'il est vivant ?

LA MAIRESSE : Oui.

ANDRÉ : Est-ce qu'il vit ici, dans cette ville ?

LA MAIRESSE : André je ne peux pas.

ANDRÉ : Juste ça.

LA MAIRESSE : Oui, il vit ici.

ANDRÉ : Est-ce qu'il sait que j'existe ?

LA MAIRESSE : Il sait.

ANDRÉ : Je veux le connaître.

LA MAIRESSE : C'est compliqué.

ANDRÉ : Pourquoi ?

LA MAIRESSE : Vous n'êtes pas prêts. Toi, lui, ta mère. Trop de silence.

ANDRÉ : Ça va pour aujourd'hui. (Un temps ) Vous voulez savoir ce qu'il faut changer ? Il faut changer de liberté.

NOIR

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