jeudi 29 juillet 2010

Scène 4

CORINNE : Barthélémy tousse. Tu ne l'entends pas tousser ?
ANDRÉ : C'est Rémi qui tousse. C'est Rémi le plus fragile de nos dix-huit enfants.
CORINNE : Rémi a quel âge ?
ANDRÉ : Il a treize ans.
CORINNE : Celui qui tousse n'a pas une voix de garçon de 13 ans mais de 9 ans.
ANDRÉ : Alors c'est David. David a 9 ans.
CORINNE : Tu es malade David ?
Une voix: David est pas là. Il est chez Mamie Baleine.
CORINNE : Mais c'est qui qui tousse comme ça nom de Dieu !
Une voix: Moi.
CORINNE : Qui ça ?
La voix : Barthélémy.
CORINNE : Alors c'est qui qu'avait raison, Ducon ?
ANDRÉ : Ta yole.
CORINNE : Barthélémy t'as quel âge mon poussin ?
BARTHÉLÉMY : Neuf ans Maman.
CORINNE : Tu vois Ducon. Pas capable de se rappeler des âges de ses 18 enfants.
ANDRÉ : Mes 18 enfants. Parlons-en. Certains sont noirs.
CORINNE : Cafés au lait.
ANDRÉ : Certains ont les yeux bleus. Moi j'ai les yeux noirs. Alors ?
CORINNE : Mamie Baleine a les yeux bleus, ma mère.
ANDRÉ : Le bleu est récessif sur le noir. Personne devrait avoir les yeux bleus chez moi.
CORINNE : Récessif mon cul.
( On entend tousser.)
Barthélémy y a du sirop sous l'évier mon chéri. Mais confonds pas avec le produit
pour les chiottes !
ANDRÉ : Putain c'que t'es vulgaire.
CORINNE : Je relève même pas. T'as trouvé poussin ? C'est du sirop sucré. Si c'est pas bon tu t'es trompé, le sirop c'est bon.
BARTHÉLÉMY : Y en a pus, c'est vide.
CORINNE : Et d'ailleurs qu'est-ce qui fout chez Mamie Baleine l'autre ? J'ai dit qui fallait pus la faire chier.
ANDRÉ : C'est elle qui aime les voir. Elle s'ennuie toute seule.
CORINNE : Poussin, si c'est vide va voir chez Mamie Baleine si elle en a. Et tu dis à ton frère de rentrer par la même occasion.
BARTHÉLÉMY : D'accord Maman.
CORINNE : Et sors pas pieds nus si tu tousses !
BARTHÉLÉMY : D'accord Maman.
CORINNE : Et mets un manteau.
BARTHÉLÉMY : D'accord !
ANDRÉ : Fous lui la paix. Qu'il crève, ça sera du bon débarras.
CORINNE : Je sais que tu le penses pas.
ANDRÉ : C'est vrai quoi, font chier.
CORINNE : Récessif !

dimanche 25 juillet 2010

Scène 82


CAFÉ : Tu m'écoutes ?
CRÈME : Non.
CAFÉ : Le matin toi tu sautes du lit dès que tu as ouvert un oeil.
CRÈME : Sauf que je me suis levé 5 fois dans la nuit pour aller pisser.
CAFÉ : Evidemment. Tu bois un verre d'eau après.
CRÈME : J'en ai besoin.
CAFÉ : Je te vois faire : dès que tu es réveillé, hop, tu sautes du lit comme d'un bateau qui coule.
CRÈME : Tu proposes quoi ?
CAFÉ : Il faut rester allongé et refermer les yeux.
CRÈME : Tu te rendors alors ?
CAFÉ : Non, puisque tu as fini ta nuit.
CRÈME : Et après ?
CAFÉ : Tu vois des images de ton dernier rêve. Tu peux les apprécier comme de beaux tableaux dans un musée sans angles droits.
CRÈME : Admettons.
CAFÉ : Déjà, tu sauves des images que tu aurais irrémédiablement perdues.
CRÈME : De toute façon tu les oublies ensuite.
CAFÉ : Pas toutes justement. Certaines images sont conservables jusqu'à ta mort.
CRÈME : J'aime pas quand tu parles de la mort. Et ça sert à quoi de les conserver ?
CAFÉ : C'est ton musée avec tes images. Toute ta vie tu peux chercher à les comprendre. Et si tu ne les comprends pas, tu peux les voir.
CRÈME : J'aime bien l'idée du musée personnel, ça oui. Bon, alors je ne me lève pas , je ferme les yeux, et si je vois des images de mon dernier rêve, je les conserve.
CAFÉ : Ou pas.
CRÈME : Et après, je me lève.
CAFÉ : Non. Tu t'étires. Tu t'étires dans ton lit. Et ça tu ne le fais pas une fois debout, je me trompe ?
CRÈME : Non c'est vrai.
CAFÉ : Ensuite, tu vérifies si tu bandes ou pas.
CRÈME : Ah j'aime pas quand tu parles de ça !
CAFÉ : Attends, c'est pas vrai que tu bandes le matin au réveil ?
CRÈME : Peut-être, ça se dit pas, ça.
CAFÉ : Tu vois, tu es coincé du cul.
CRÈME : Ça me regarde si je suis coincé du cul comme tu dis.
CAFÉ : C'est pas un reproche. Donc tu bandes, et tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu bandes le matin ?
CRÈME : Non et ça ne m'intéresse pas.
CAFÉ : Moi si mais je ne sais pas la réponse. Par contre je me souviens d'une période de ma vie où je ne bandais pas le matin, et tu sais ce qui se passait à l'époque ?
CRÈME : Non.
CAFÉ : J'étais fatigué. J'étais épuisé. J'étais maigre. J'étudiais et en même temps je travaillais pour vivre.
CRÈME : Je me souviens.
CAFÉ : Mais il a fallu des mois avant que je m'en rende compte. Un matin je me suis dit tiens, c'est drôle je ne bande pas. Et c'est là que je me suis rendu compte que je ne bandais plus depuis longtemps. Et ça a continué les jours suivants. Puis j'ai arrêté la fac et le job et c'est revenu. Mais à quoi ça sert, je ne le sais pas non plus.
CRÈME : Bon, parle d'autre chose.
CAFÉ : Pénis ... Pénis ...
CRÈME : J'aime pas !

mercredi 7 juillet 2010

scène 500


LE PROF : En 1 rien
En 2 presque rien
En 3, quelque chose

L'AUTRE : On progresse.

LE PROF : En 1 rien
En 2 presque rien
En 3 : quelque chose

L'AUTRE : C'est ce que je dis. On avance. Il se passe quelque chose. On prend de la matière.

LE PROF : Mais on la prend d'où ? (Sourire de connivence)

L'AUTRE : On la prend douce ... ( Même sourire)

LE PROF : ( Irrité) Ta yole. (Léger temps) C'est ma leçon.

L'AUTRE : Okay.

LE PROF : En 1 rien.

L'AUTRE : Rien. Ça arrive.

LE PROF : Pardi.

L'AUTRE : Rien de rien, rien du tout.

LE PROF : Mais c'est pas ça qui est intéressant. L'intéressant , c'est quand en 2 ...

L'AUTRE : Presque rien.

LE PROF : Changement !

L'AUTRE : Et ça arrive.

LE PROF : Presque rien. Tout est là.

L'AUTRE : Presque 2 ?

LE PROF : Non ! 2, en 2 .

L'AUTRE : Entre le 1 et le 2 y a rien ?

LE PROF : Non. Y a le 1, et d'un seul coup y a le 2.

L'AUTRE : Et le 1 1/2 ?

LE PROF : Non !... Y en a pas. C'est comme les marches d'un escalier si tu préfères. Y a la 1 et au-dessus y a la 2.

L'AUTRE : Au dessus ... ou en dessous.

LE PROF : D'accord. Mais ça avance par à-coups. 1 - 2. Même quand tu perds tes dents. D'abord c'est une, après c'est 2.

L'AUTRE : Imparable. ( Il s'éloigne) Imparable ! Avec les dents je comprends.

LE PROF : Tout est dans l'exemple. L'enseignement, c'est ça. Tu en as perdu combien des dents ?

L'AUTRE : Sais plus. Au moins sept.

LE PROF : Fais voir. Ah mais c'est au fond.

L'AUTRE : Au fond c'est malpropre, ça s'abîme très vite.

LE PROF : Malpropre au fond ? Mais avec la brosse ?

L'AUTRE : La quoi ?

LE PROF : Des gens en ont.

L'AUTRE : Tu m'égares.

LE PROF : En tout cas l'exemple est bon. 1 2 3, tout le monde peut comprendre ça.
1 2 3,
3 bougies sur un gâteau, 3 orteils à son panard.

L'AUTRE : Voire plus.

LE PROF : On s'arrête pas à 3. Les nombres après ça continue. Il y a des nombres après. Tout le monde sait ça. Ça ne s'arrête pas jusqu'à ... Mille !

L'AUTRE : Et ça commence à 1.

LE PROF : Et le zéro ?

L'AUTRE : Quoi ?

LE PROF : Quand y a rien, rien de rien, c'est pas le zéro ?

L'AUTRE : Sur le thermomètre, en dessous du 1, y a le zéro.

LE PROF : En 1 y a le zéro alors ?

L'AUTRE : En zéro y a le zéro, en 1 y a le 1.

LE PROF : Ça embrouille ton zéro.

L'AUTRE : C'est qui qu'a parlé du zéro, c'est moi peut-être ?

LE PROF : T'as raison. En 1 y a le 1, et y a pas de zéro.

L'AUTRE : Le zéro on n'est pas là. Personne pour le voir. Ce con. Qu'est-ce que t'as ?

LE PROF : J'ai la tête qui tourne avec ton zéro.

L'AUTRE : Assois-toi.

LE PROF : Assieds-toi.

L'AUTRE : Ma mère dit assois-toi. Assois-toi ça donne envie de poser son cul. Assieds-toi ça fait genre.

LE PROF : Genre quoi ?

L'AUTRE : Genre pas franc. Genre tu donnes une demi chaise cassée.

LE PROF : Je m'assois. (Un temps) Elle était comment ma leçon ?

L'AUTRE : Terrible.

LE PROF : T'as trouvé ? Dommage que t'aies parlé du thermomètre. Ça embrouille les gens. J'ai failli dire une bêtise avec le zéro. Mais je me suis bien rattrapé. Ils devraient pas être là ?

L'AUTRE : C'est pas l'heure. Mais j'ai pas ma montre.

LE PROF : Toute façon elle est pas à l'heure.

L'AUTRE : Ils viendront demain.

LE PROF : Demain je préfère. J'aurai les idées claires et tout, pour enseigner.

L'AUTRE : N'empêche, si on en avait eu un de thermomètre.

LE PROF : On en aura un. Un qui va dehors. Un de résistant. Et je m'en servirai pour ma démonstration. Ça intéressera les gens.

L'AUTRE : On demandera un supplément ?

LE PROF : Ben non tiens.