samedi 7 août 2010

LA DEVISE : Scène 4

LA MAITRESSE : Tu as passé un bon week-end, Brunette?

BRUNETTE : Oui, Madame.

LA MAITRESSE : C'était chez qui cette semaine ?

BRUNETTE : Mon père.

UNE VOIX : Madame LANTIER, le livreur !

LA MAITRESSE : J'arrive ! Excuse-moi. (Elle sort.)

BRUNETTE : (seule) Quand j'ai sonné à la porte, quelqu'un est venu passer son œil dans le trou. J'ai attendu. Mais ça n'a pas ouvert. J'ai resonné. J'ai entendu une voix qui a dit : "C'est l'autre." Mais personne n'a ouvert. Alors je me suis assise sur les marches, devant la maison de Papa, un peu sous la pluie, un peu sous mon sac à dos. J'ai attendu. Au bout d'un moment, Papa a ouvert la porte. Il a dit : "Reste pas là." Alors je suis entrée.

LA MAITRESSE : ( qui revient ) Excuse-moi. C'était une livraison. Tu disais que tu étais chez ta mère ce week-end.

BRUNETTE : Chez mon père. J'ai fait du travail.

LA MAITRESSE : Du travail pour l'école.

BRUNETTE : Vous voulez que je vous montre ? C'est dans ce cahier.

LA MAITRESSE : Bien sûr, montre-moi. Eh bien, tu as dû en passer du temps pour écrire tout ça.

BRUNETTE : Ça m'occupait.

LA MAITRESSE : C'est quoi tous ces nombres ? Je ne comprends pas.

BRUNETTE : Les nombres premiers.

LA MAITRESSE : Tu connais les nombres premiers par cœur ?

BRUNETTE : Ils me viennent alors je les écris. Là il y en a 367. Mais leur nombre est infini.

LA MAITRESSE : Tu es sûre de ne pas t'être trompée ?

BRUNETTE : J'ai vérifié.

UNE VOIX : Madame LANTIER, téléphone !

LA MAITRESSE : Oui ! Décidément.

BRUNETTE : ( seule ) Comme j'étais mouillée, je n'ai pas pu embrasser mon père, ma demi-soeur Léa, mon demi-frère Julien et le bébé. Avec ma demi-mère on ne s'embrasse jamais. Mon père était dans le salon avec ses copains, à regarder le match. Il a dit: "Reste pas là." Alors je suis allée à ma place, dans la cuisine et j'ai sorti ma poupée Barbara du sac. Ma demi-mère est arrivée et elle m'a dit que j'avais les patates à éplucher, alors j'ai rangé Barbara.


LA MAITRESSE : ( qui revient ) Excuse-moi. Alors c'était bien ? Les nombres premiers, qui t'a appris ça ? Pas moi en tout cas.

BRUNETTE : Je les ai découverts toute seule un jour. C'est ma mère qui m'a dit que ça s'appelait comme ça. Elle était prof de maths avant de tomber malade.

LA MAITRESSE : Oui ma pauvre petite. Tu as l'air si fatiguée pour une petite fille qui rentre de week-end. Tu as raté ton bilan encore une fois. J'aurais voulu comprendre ce qui se passe.

BRUNETTE : C'est facile à comprendre, Madame. Je ne suis pas à ma place.

LA MAITRESSE : Comment ça, pas à ta place ?

UNE VOIX : Madame LANTIER, une maman pour une inscription !

LA MAITRESSE : Oui ! La barbe, on n'est jamais tranquille ! J'arrive !

BRUNETTE : 2,3,5,7,11 et 13 sont les six premiers nombres premiers, ils ne sont divisibles que par eux-mêmes et par 1. Ce qu'elle fait, ma demi-soeur Léa, c'est qu'elle se jette contre le ventre de mon papa, en le serrant avec ses bras, et sa tête disparaît dans son ventre, en lui disant je t'aime. Après 13, c'est 17,19,23,29,et 31.

( Elle ramasse son sac à dos et s'en va. )

LA MAITRESSE : ( qui revient ) Brunette ! Qu'est-ce qu'on disait ?

NOIR.

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